EtiologieUne dermatophytose est une infection contagieuse causée par des champignons kératinophiles et kératinolytiques, les dermatophytes. Ceux qui vont parasiter les animaux appartiennent aux genres Microsporum et Trichophyton. Il est préférable de parler de dermatophytose plutôt que de teigne, car on ne peut parler de teigne que lorsqu’il y a invasion pilaire, ce qui n’est pas toujours le cas..
Microsporum canis est responsable d’environ 95 % des dermatophytoses félines. Bien que son hôte naturel soit le chat, cette espèce est capable d’infecter de nombreuses espèces animales, et est aussi pathogène pour l’homme. Ainsi, la moitié des personnes en contact avec un chat infectédéveloppe des lésions cutanées. De même, on considère que dans 70 % des foyers dans lesquels vivent un chat infecté, il y a au moins une personne infectée. Chez l’homme, Microsporum canis est responsable de tinea corporis, tinea capitis et plus rarement de tinea unguineum. Les propriétaires immunodéprimés par un traitement ou une maladie sont plus sujets au développement d’une dermatophytose.
Les dermatophytoses félines peuvent également être dues à d’autres espèces comme Microsporum gypseum, Microsporum persicolor, ou encore Trichophyton mentagrophytes.
Photo 1: Enfant conatminé par son chat teigneux
Photo 2: Contamination corporelle humaine ("Herpès circiné")
EpidémiologieLa dermatophytose est une maladie infectieuse fréquente avec une distribution mondiale et une incidence variable selon le type de population échantillonnée et la localisation géographique. De ce fait, selon les auteurs et les études, sa prévalence va de 0 à 100 %.
Les chats représentent un réservoir infectieux non négligeable. On distingue les animaux infectés symptomatiques, qui présentent des lésions, des chats qui sont porteurs sains. Ces derniers peuvent être des infectés asymptomatiques, ou bien de simples porteurs mécaniques. On considère que le portage sain dans les races à poils longs comme le Persan est de 30 à 50 %, et bien plus encore dans leurs élevages. Une attention toute particulière doit donc être prise lors de leur introduction ou de leur sortie d’un effectif. Dans tous les cas, ces animaux sont contagieux et ils doivent donc être considérés comme une source de contamination.
La contamination peut être directe, mais aussi indirecte, par le biais de brosses, colliers, rasoirs, cages, couvertures ou tout autre équipement en contact avec une source de contamination. Les spores peuvent survivre un an dans l’environnement et des poils de chats infectés restent contaminants jusqu’à 18 mois.
PathogénieLes facteurs d’hôtes dépendent de l’individu et prédisposent au développement d’une infection. Ces facteurs sont nombreux et variés, incluant l’âge (avec une prédisposition pour les chats jusqu’à un an), les habitudes de toilettage, les maladies débilitantes, les médicaments immunosuppresseurs, une infection par le Fiv et le FeLv, une nutrition inadéquate, un stress de gestation ou d’adaptation et finalement des ectoparasites comme des puces ou des cheylétielles.
Les facteurs génétiques jouent probablement un rôle important dans le développement et la persistance d’une dermatophytose féline. Il est toutefois difficile de dire si ce sont ces facteurs génétiques qui expliquent la plus grande prévalence des dermatophytoses dans les races félines à poils longs, comme le Persan. Les cas d’infection récalcitrante seraient plutôt dus à une incapacité génétique des animaux à produire une réponse immunitaire adéquate, plutôt qu’une espèce particulièrement résistante de Microsporum canis. Pour certains auteurs, cette prédisposition des chats à poils longs résulterait également d’une protection conférée par le pelage, contre l’élimination mécanique des spores par le toilettage.
Les réactions immunitaires induites sont de type humoral et cellulaire. Chez le chat, l’immunité à médiation cellulaire est considérée comme la plus importante et la plus efficace pour se débarrasser des dermatophytes. Les raisons pour lesquelles seuls certains individus en contact avec un dermatophyte développent une infection active sont encore inconnues. Plusieurs hypothèses sont suspectées, de l’immunité de l’hôte jusqu’à la dose infectieuse de l’organisme en cause en passant par des prédispositions génétiques et par des facteurs locaux comme l’intégrité de la barrière épidermique.
Signes cliniquesLes dermatophytoses félines sont très pléomorphes. Classiquement, elles se manifestent sous la forme d’une ou plusieurs lésions alopéciques, souvent circulaires, squameuses ou non, d’évolution centrifuge lente, et principalement retrouvées sur la tête, la face et les extrémités. On observe parfois la présence de croûtes et d’un léger érythème. On peut également observer la formation de comédons.
Photo 3: Alopécie nummulaire faciale
Photo 4: Teigne à localisation auriculaire
Il existe toutefois bien d’autres présentations moins typiques. Les dermatophytoses félines peuvent ainsi se manifester par une dermatite miliaire, une onychomycose, une folliculite, un kérion, une otite externe, ou encore un mycétome dermatophytique. Un mycétome est une lésion pseudo-tumorale, granulomateuse ou pyogranulomateuse du derme, de l’hypoderme, voire des fascias conjonctifs, dont le pus contient des grains, lesquels sont des colonies de l’agent causal. Les mycétomes dermatophytiques n’ont quasiment était observé que chez des chats Persans, et ils ont presque tous été causés par Microsporum canis. Ils sont retrouvés le plus fréquemment sur le tronc ou à la base de la queue. Exceptionnellement, ils peuvent avoir une localisation intra-abdominale. Le traitement de ces mycétomes est difficile, associant chirurgie et traitements antifongiques systémiques (griséofulvine et surtout, kétoconazole et itraconazole).
Photo 5: Chat présentant une teigne et une dermatite allergique
Chez le Persan, les manifestations cliniques peuvent être insidieuses. Dans cette race, la forme clinique la plus fréquente de la teigne à Microsporum canis est une alopécie régionale ou généralisée, dans ce cas assez symétrique et kérato-séborrhéique psoriasiforme. Les manchons pilaires sont fréquents. Des papules et des pustules intactes sont parfois découvertes. La dermatite miliaire liée à une dermatophytose à Microsporum canis est peut-être plus rare chez le persan que chez les chats à poils courts. En écartant les poils, la différence de couleur de la peau, avec la présence d’un léger érythème, est parfois le seul signe d’appel du début de la dermatophytose. Chez le Persan, rares sont les lésions typiques nummulaires que l’on observe généralement dans d’autres races. La tonte révèle bien souvent des lésions étendues qui n’auraient pu être suspectées. Lors de la visite d’achat d’un Persan chaton ou adulte, l’examen dermatologique doit donc être méticuleux. Les risques de portage asymptomatique doivent être évoqués avec le propriétaire avec la possibilité de contagion à l’homme et aux congénères.
Examens complémentairesLe diagnostic différentiel des dermatophytoses félines est extrêmement vaste dans la mesure où elles présentent un important pléomorphisme clinique. Cela montre donc l’importance des examens complémentaires dans le diagnostic final d’une dermatophytose féline.
L’examen du pelage avec une lampe à rayons ultraviolets, dite lampe de Wood est une méthode simple pour effectuer un diagnostic définitif de dermatophytose. Microsporum canis est la seule espèce qui entraîne une fluorescence et qui ait une importance en médecine vétérinaire. Ce dermatophyte produit des métabolites du tryptophane qui fluorescent dans l’obscurité une fois exposés aux rayons ultraviolets. On considère qu’entre 30 et 80 % des souches de Microsporum canis produisent cette fluorescence. Etant donné le risque de faux positifs dus à des croûtes, des exsudats, des squames, ou encore des textiles, cet examen ne permet pas un diagnostic définitif. Par ailleurs, on n’oubliera pas que seul Microsporum canis entraîne cette fluorescence. Au final, l’absence de fluorescence signifie soit que l’animal ne présente pas de dermatophytose, soit une dermatophytose due à une autre espèce que Microsporum canis, soit qu’il s’agit d’une souche de cette espèce qui n’entraîne pas de fluorescence. En dehors du diagnostic, cet examen à la lampe de Wood est également intéressant pour suivre l’évolution d’une dermatophytose, comme cela a été fait dans ce cas.
L’examen microscopique des poils ou des squames est une technique simple, mais qui demande une certaine expérience. Les poils sont préalablement choisis en périphérie d’une lésion, prélevés à l’aide d’une pince hémostatique, puis placés entre lame et lamelle dans du lactophénol. L’idéal est de choisir des poils qui fluorescent à l’examen à la lampe de Wood. L’observation microscopique s’effectue d’abord à l’objectif 10, et on va rechercher des poils anormalement élargis, enflés, avec une surface irrégulière. Puis, on effectuera un examen à l’objectif 40 afin de rechercher des grappes de spores.
Photo 6: Poil teigneux (au centre)
La culture mycologique est la méthode la plus fiable pour permettre d’effectuer le diagnostic de dermatophytose, et d’identifier spécifiquement le dermatophyte en cause. Cette culture peut être effectuée, grâce à des milieux DTM (Dermatophyte Test Medium), ou bien dans un laboratoire spécialisé. Une fois la pousse fongique obtenue, il est important d’identifier l’espèce en cause. Cela s’effectue par le biais d’une technique de Roth, qui consiste à appliquer un petit morceau de scotch sur la culture, puis de l’examiner au microscope entre lame et lamelle après avoir préalablement déposé une goutte de bleu lactique sous et sur celle-ci. Si la réalisation d’une culture mycologique est simple à mettre en oeuvre, la détermination de l’espèce en cause est bien plus complexe et il convient donc de la faire effectuée par une personne qui en a l’habitude. Microsporum canis n’étant pas un champignon qui appartient à la flore fongique normale du chat, toute culture positive entraînera le traitement de l’animal concerné.
L’analyse anatomopathologique de biopsies cutanées n’est généralement pas nécessaire pour effectuer le diagnostic de dermatophytose. Toutefois, cet examen peut être intéressant lorsque que l’on suspecte certaines formes notamment les mycétomes, ou lorsque l’on pense qu’il y a une dermatose concomitante.
TraitementsLa dermatophytose féline est une dermatose qui peut se résoudre spontanément, du fait du développement d’une immunité naturelle, en 4 mois environ. Toutefois, il est nécessaire de traiter l’animal concerné du fait du risque de contagion aux personnes et aux animaux, et de la contamination environnementale.
Le contrôle d’une dermatophytose féline passe par quatre points essentiels. Tout d’abord une tonte globale de l’animal, suivi du traitement du chat concerné et de ses congénères, et finalement de l’environnement dans lequel ils se trouvent. A noté que dans cette espèce, le traitement est d’autant plus long et difficile que le nombre de congénères est important. Tous les animaux à culture positive doivent être traités par voie générale et topique jusqu’à négativation, tandis que les animaux à culture négative doivent être séparés, si possible, et traité par voie topique uniquement.
La tonte complète du chat n’est pas obligatoire, mais elle est fortement recommandée, car elle va permettre l’élimination mécanique de nombreux éléments fongiques, et elle facilite l’utilisation et l’action du traitement topique. Cette tonte est obligatoire chez les animaux à poils longs, et notamment le Persan, et chez les chats à poils courts, lors d’atteinte généralisée.
Le traitement de l’environnement est extrêmement important. En effet, il va prévenir les recontaminations de l’animal, et éviter les contaminations à la fois de ses congénères et des personnes en contact avec l’animal. Cette application doit être effectuée après un ménage drastique, qui va notamment avoir pour effet d’éliminer de manière mécanique les spores présentes dans l’environnement. Tous les revêtements sur lesquels l’animal se couche, ainsi que tous les objets avec lesquels il est en contact doivent être traités, où il faut s’en débarrasser. Dans les chatteries, notamment de Persans, on peut employer des fumigènes, ou de l’eau de Javel pure. Ces produits n’ayant pas d’effets résiduels prolongés, les applications doivent donc être répétées, toutes les semaines, à toutes les 2 semaines.
Ces traitements topiques, systémiques, environnementaux, doivent être poursuivis jusqu’à l’obtention d’au moins une culture négative sur l’animal infecté. Certains auteurs recommandent d’obtenir 2 cultures négatives à 15 jours d’intervalle lorsqu’il n’y a pas de congénères, et 3 cultures négatives à 15 jours d’intervalle lorsque plusieurs animaux sont impliqués.
ConclusionLes dermatophytoses félines même si elles demeurent communes, n’en demeurent pas moins difficile à traiter, et ce d’autant que plusieurs animaux vivent ensemble. Le traitement des chats à poils longs, notamment le Persan, vient encore compliquer la résolution de la dermatophytose, puisqu’il s’agit bien souvent d’un traitement long, coûteux et plus difficile à réaliser.
Extrait du site : http://www.vetderm.fr/modules.php?name=Content&pa=showpage&pid=17